Costume masculin de noble, début XIIème, est de la France - Le résultat
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6°/ Le résultat
6.1°/ la tunique
Le patronage de la tunique est un peu particulier. J'ai du faire des choix d'interprétation mais aussi de découpe du fait de la longueur et largeur des lais et de ma taille (193cm) :
- la longueur totale étant 163cm (après couture), j'ai du faire deux parties cousues aux épaules.
- ces deux parties sont rectangulaires, de même hauteur et largeur : 165x 55cm (avant couture). Je n'ai donc pas fait de décalage pour que la ligne de couture tombe un peu plus sur l'avant de l'épaule, ce que je regrette car vu le poids de l'ensemble, le tissu tire la tunique en arrière ce qui me remonte le col sur la glotte et n'est pas très agréable. Il faut espérer que la ceinture limitera ce phénomène.
- les godets latéraux font 110cm de haut et 42cm de large (avant couture). Ils partent au niveau de la taille. Au final, après couture, le bas de la tunique a une circonférence de 250cm. J'aurai voulu au moins 30cm de plus mais la largeur du lai de soie (136cm) ne m'a pas permis plus.
- la fente centrale fait environ 85cm de haut à la découpe, et environ 80cm à présent.
- A cause de la doublure qui a été cousue sur le bord inférieur et le long de la fente de la tunique, puis retournée, le haut de la fente finissait en une sorte d'arrondi qui n'était pas très esthétique. De plus, la fente remontait trop haut. J'ai donc choisi de faire une fente finissant réellement en pointe, en cousant les bords de la fente sur environ 10cm, Cela crée une sorte de pince (cf. photo de gauche ci-dessous) qui fait froncer le tissu mais ce n'est pas très visible au porté.
- La soie : un bonheur a travailler ! Cela faisait très longtemps que je n'avais pas fait une doublure et j'ai oublié un détail primordial : le satin de soie a deux côtés différents. Pour découper les godets (qui ne sont pas tout à fait des triangles rectangles), il faut donc en tenir compte ... ce que je n'ai pas fait. Au moment d'assembler les godets à la partie centrale de la doublure, j'ai constaté que ça ne collait pas du tout avec la tunique. Sur les 4 triangles, seulement 2 vont bien. Après quelques minutes passées à éviter de tout balancer par la fenêtre, je taille dans le vif : je raccourçis la base de triangles pour les mettre au même niveau. Je couds les godets puis je découpe une pièce à peu près triangulaire pour la coudre à la base des godets, histoire de rattraper l'écart avec la tunique. La photo de droite ci-dessus montre le résultat : la triangle ajouté en bas à gauche, la partie centrale en haut et les deux godets au centre. Vive les puzzles !
- Malheureusement, la soie étant mauvaise joueuse, elle se déforme beaucoup quand on la coud dans le biais. Le triangle ajouté est devenu un peu trop grand et fait de belles fronces. Heureusement, c'est une doublure ...
- Pour patronner les manches, j'ai fait divers essais pour la partie terminale. Ce qui rendait le mieux le tombé de l'enluminure est la forme ci-dessus : la fente part du poignet et va jusqu'au bout des doigts. La partie qui pend n'est pas perpendiculaire à l'axe de la manche mais revient vers le corps, ce qui forme un triangle au bout de la manche. En revanche, la forme en arc de cercle de la partie pendante n'est pas une bonne idée : le bout a tendance a rebiquer vers l'arrière. Je pense qu'une droite donnerait un meilleur résultat.
- Comme on le voit sur les photos, la manche est en deux parties : je n'avais pas la possibilité de la découper en un seul morceau. La couture se trouve sur l'avant bras, juste après le coude. Il y a ainsi moins d'efforts sur la couture lorsque l'on plie le bras.
- Le bas de la manche est en trapèze afin d'améliorer l'aisance sans utiliser de goussets, ainsi qu'au niveau du coude. Cela permet aussi d'avoir l'avant de la manche au plus près du bras. Au porté, c'est idéal à part le fait que la broderie rigidifie trop le tissu au niveau du biceps.
- Les broderies ont été exécutées par ma femme, exclusivement au point de tige et point fendu. C'était ses débuts en broderie et compte tenu des motifs à suivre, pas nécessairement évident pour être régulier, surtout compte tenu du sergé de la laine de base. A part quelques imprécisions, vous pourrez constater sur les photos ci-dessous qu'elle s'en est remarquablement tirée.
- Après environ 90h à broder, le résultat, dans cet ordre : les manches, le col et le bas.
- J'ai ensuite cousu les bandes au point invisible sur les différentes parties de la tunique, avant de coudre la doublure puis d'assembler les différentes pièces. Enfin, j'ai cousu les 75 pierres.
- A noter que une bonne moitié de coutures, non visibles, par exemple l'assemblage des godets, la couture tunique/doublure, ... ont été faites à la machine, histoire d'accélérer la confection. L'autre moitié étant irréalisable à la machine, j'ai du user de l'aiguille une fois n'est pas coutûme.
- Au final, après au moins 130h de travail (dont 90 de broderie), et quelques retouches (par exemple sur les fentes), j'ai pu essayer la chose.
- Pour les photos ci-dessous, j'ai mis ma chemise, mes braies, mes chausses et chaussures habituelles. La ceinture est également absente pour donne une idée du rendu "brut".
- Comme on le voit ci-dessus, les manches pendouillent bien comme sur l'enluminure.
- L'encolure arrive bien au ras du cou, ce qui cache la chemise. J'ai même un peu du mal à retirer la tunique.
- En revanche, le drapé du bas est quasi inexistant : visiblement, il n'y a pas assez d'amplitude. De plus, la doublure tire le tissu vers le bas, ce qui limite les plis.
- Premier défaut irrémédiable : les bandes de biceps sont trop près du coude. Quand le bras est plié à 90°, ça fronce beaucoup trop entre la pliure du coude et la bande, ce qui n'est pas très esthétique.
- Second défaut : le bout pendant de la manche rebique. Comme indiqué plus haut, il aurait mieux value faire une découpe droite plutôt que circulaire.
- Sur la photo de gauche, j'ai mis ma jambe un peu comme sur l'enluminure. En étant un peu plus de profil, il serait effectivement possible d'avoir une fente centrale qui donne l'impression d'être latérale.
- Sur la photo de droite, on voit un bout de mes braies mais pas la chemise : celle-ci m'arrive en haut de la cuisse mais surtout est également fendue devant. Visiblement, cela suffit pour qu'elle ne se voit pas.
6.2°/ La ceinture
La ceinture est faite intégralement en cuir. L'arrière, donc la partie "en banane" est réalisée en cousant deux épaisseurs l'une sur l'autre afin d'avoir la fleur des deux côtés de la ceinture. Pour éviter de gacher du cuir, l'avant est fait en cousant deux empiècements à chaque bout de la banane, venant prendre en sandwich celui-ci. Ensuite, j'ai fendu ces empiècements en 2 ou 3 brins, puis tressés ceux-ci de façon a former un tube. Enfin, j'ai terminé chaque tube par un tressage en forme de gland. On peut voir le résultat sur la photo ci-dessous.
Cette phase terminée, la ceinture faisait un peu "nue". J'ai donc décidé de repousser le cuir afin de la doter de motifs floraux, très en vogue à l'époque. Comme Hervald est seigneur d'Eschène, la frise commence par quleques feuilles de chênes et de glands. Le résultat final est visible sur les photos ci-dessous. On remarque sur la deuxième le fameux noeud en huit qui semble être utilisé sur la plupart des enluminures.
6.3°/ Les chaussures
Comme déjà indiqué en section 4.3, ce type particulier de chaussures "pointue" a été retrouvé en fouilles. Cela dit, les exemplaires mis au jour ne sont pas aussi pointus que sur les enluminures. En revanche, on note bien sur certains d'entre eux une découpe sur le haut du coup de pied, indiquant le côté m'a-tu-vu de ces chaussures qui laissent entrevoir les chausses.
J'ai donc patronné une paire de chaussures qui suive ces "codes", en lui ajoutant une bande de renfort d'une autre couleur (pour le côté frime) mais sans bande de broderie, le cuir choisi ne s'y prêtant pas. Le résultat est visible sur les photos ci-dessous, la première montrant l'assemblage avant retournage. On notera également sur la dernière l'utilisation d'une trépointe s'intercalant entre la semelle et la tige.
6.4°/ le reste
Parmi les autres éléments du costume, les chausses sont également particulières puisqu'elles sont dans un tissu mélangeant laine et soie, d'un beau vert d'eau, très agréable à porter. Et surtout le tissage en damier associé à la soie donne un aspect chatoyant, toujours dans l'esprit frimeur du costume. La chemise de corps est en lin fin blanchi, tissé chevron. Elle s'arrête à mi-cuisse mais peut parfois être visible à cause de la fente de la tunique.
Le dernier élément en cours de réalisation est un fermail en forme de coeur, zoomoprhe, classique pour cette époque.
6.5°/ Tout ensemble
Je n'ai malheureusement pas beaucoup de photos réussies du costume complet donc je ne résiste pas à mettre celle où je suis accompagné de mon épouse, dont vous pourrez lire l'article sur son costume ici.
6.6°/ Delirium tremens